De la malnutrition au meurtre

21 juillet 2020

 A la fin d’une campagne de dépistage de la malnutrition, nous avons identifié un cas grave. L’enfant souffrait de malnutrition aigüe sévère avec des complications  et méritait une prise en charge médicale et nutritionnelle. 

Pour s’assurer que les dépenses financières ne seraient pas un frein à l’amélioration de la santé de ces enfants, le projet a mis en place un mécanisme qui prenait toutes les dépenses  en charge. Après avoir expliqué à  la mère qu’elle n’aurait rien à dépenser durant son séjour à l’hôpital et que même ses frais de transport seraient pris en charge, celle-ci a quand même refusé l’évacuation directe. 
Comme justification il lui fallait recevoir la permission de son mari avant de bouger de la maison. Ceci a nous parut normal jusque-là dans le contexte du village, dans aucun schéma nous ne attendions à ce qui allait se passer les jours d’après.Après quelques jours, le père s’est rigoureusement opposé à l’évacuation. Plusieurs médiations ont été faites à son endroit. A plusieurs reprises nous nous sommes dirigés vers lui, le sensibilisant et lui donnant des preuves de la réussite de l’opération. Suite à l’échec des médiations, nous sommes passés aux convocations, une émanant du chef de son arrondissement et une autre du cabinet du maire lui-même. Mais rien n’y fit. Il était décidé à garder son enfant  dans cet état de malnutrition grave. Pendant plusieurs mois, à la maison il a interdit à sa femme de sortir. Personne ne devait voir l’enfant, l’état de ce dernier se dégradant. Il était de plus en plus maigre et développait d’autres complications plus graves.  Il a porté une interdiction stricte à la mère de l’enfant, la menaçant de la répudier si jamais elle se déplaçait avec l’enfant, puis nous a demandé d’enterrer nous-même l’enfant si malheur arrivait. 

On était dos au mur. Sans accompagnant l’enfant avait peu de chance de survivre. La mère était très passive, aucune réaction rien à redire sur l’attitude de son mari pour la survie de son enfant. L’enfant a finalement fait une crise en pleine nuit et là, le bon monsieur nous fit appel. Le temps d’arriver à l’hôpital il est décédé.  J’ai vécu cette histoire comme un échec cuisant, le père avait décidé de garder son enfant malade à la maison et personne ne pouvait faire autre chose pour sauver la vie de ce petit être innocent, même pas la mère encore moins l’entourage.

 Il y a-t-il des lois pour protéger la petite enfance dans ces cas? Si oui comment les applique t'on? Aussi quand on parle de l’éducation, de l’émancipation, de l’autonomisation des femmes on s’appuie bien souvent sur ce genre d’histoire. Si la femme avait les moyens de s’assurer ses besoins quotidiens aurait-elle subit ces mois enfermés à la maison regardant  son enfant mourir peu à peu? 
#Levillageetmoi

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